Que ce soit à la Conf’ ou à la Via Campesina, les bagarres se croisent, se complètent, s’unissent. Le repli corporatiste et nationaliste est illusoire et dangereux. Les contextes et les enjeux peuvent sembler différents mais l’ennemi est le même. Le capitalisme agresse, la répression oppresse, mais la grande famille paysanne continue à travers le Monde à vivre et travailler sur cette Terre commune, elle lutte pour ses droits et sa dignité.
On l’a vu, l’OMC a été le berceau des nouvelles formes d’Accords de Libre Echange aux sigles barbares et flippants comme le TAFTA et le CETA qui nous font craindre pour nos droits. Mais on oublie souvent tous ceux qu’on a signés ou qu’on continue de signer en tant qu’Union Européenne avec des pays dont la population a tout à perdre !
Les lois du commerce mondial rentrent jusque dans nos fermes et la seule bagarre possible est à mener au-delà de nos frontières pour la souveraineté alimentaire des peuples.
La Via Campesina porte la voix des paysan-nes, des peuples indigènes, des pastoraux, des pêcheurs, des travailleur-euse-s agricoles, des migrant-e-s.
Elle continue son combat contre la marchandisation du vivant et le diktat des multinationales à travers la lutte contre les OGM et toute nouvelle forme de transgénèse.
Certaines victoires donnent de l’espoir, par exemple, au Burkina Faso qui s’était enlisé dans la culture de coton OGM BT, les militants ont réussi il y a 2 ans à dégager Monsanto du pays après de longues années de conscientisation de la population et d’âpres manifs.
La lutte paie parfois, mais la route est longue encore.
Depuis les émeutes de la faim en 2007 et la crise financière qui a suivi, la terre est devenue une stratégie d’approvisionnement pour les gouvernements fortement dépendants et une valeur refuge incontournable pour les investisseurs privés, financés en grande partie par les fonds de pension occidentaux.
Sous l’incitation de la Banque Mondiale, les États endettés ont décidé de vendre ou louer leurs meilleures terres sur le marché international. Rapportant 3 fois plus que les placements boursiers et 7 fois plus que l’immobilier, la guerre pour la terre fait rage sur tous les continents.
Plus de 80 millions d’hectares auraient été volées aux paysan-nes, spoliant au passage les droits d’usage, les droits coutumiers et collectifs.
En France, la bagarre se décline sous différentes formes, contre les grands projets inutiles : NDDL, Bure, A 45, TGV Lyon-Turin, Center Parc en Isère, Sivens … contre le cumul des terres, pour la défense des droits des fermiers.
On croyait être à l’abri des grands accapareurs, mais il y a peu on a vu débarquer une firme chinoise à l’assaut de terres dans l’Indre. La porte est ouverte, jusqu’où va-t-on aller ?
La Via Campesina comme la Conf’ se bat sur le terrain pour le maintien et l’accès à le terre à celles et ceux qui la travaillent, pour la reconnaissance des droits d’usage et pour une gouvernance foncière populaire.
Elle joue un rôle essentiel auprès de la FAO pour rendre les directives foncières contraignantes.
Avec l’accélération du réchauffement climatique, ces mêmes entreprises mortifères soutenues par nos gouvernements, tentent un passage en force avec leur soit disant économie verte –ou comment spéculer sur les communs en enrobant leur surpercherie dans du papier recyclé made in hypocrisie.
Parce que ce sont les fausses solutions prônées, via le REDD et autres puits carbone, qui accaparent aussi les terres et détruisent toujours plus les communautés paysannes, qui doivent pourtant déjà faire face à l’avancée du désert, à la montée des mers …
On enchaine les COP, et à chaque fois on veut nous faire croire qu’ils vont réussir à concilier les intérêts d’une paysanne algérienne qui balaie le sable chaque matin pour épargner son jardin et faire reculer à sa manière le désert avec ceux d’un communicant encravaté d’une société productrice d’agrocarburants qui parle de rendre « le climat sexy » ! (c’est du vécu lors de la COP 22 à Marrakech)
Les paysan-nes sont en lutte aux quatre coins du Monde. 20 ans après le massacre d’El Dorado de Carajas, la répression continue d’être terrible et pour avoir défendus leurs terres, de nombreux camarades sont emprisonnés, torturés, tués.
Il est temps que l’ONU adopte la déclaration des droits paysans que la Via Campesina porte pour renforcer les droits des peuples ruraux à protéger leurs moyens de subsistance et à continuer à nourrir le monde.
Face au changement climatique, aux accaparements de terre, à la guerre économique aux menaces des forces de l’ordre, combien de personnes sont obligées et vont encore être obligées de fuir pour sauver leur peau et celles de leurs enfants ? Trouver un refuge, une terre d’accueil, un pays aux airs de cocagne ?
Quelques jours après que Cédric Herrou, paysan de la vallée de la Roya à la frontière italienne, a été condamné coupable de solidarité avec des migrants, je voudrai terminer cette conclusion en lisant un extrait de la Déclaration finale de la 7ème conférence de la Via Campesina en juillet au Pays Basque Sud :
« Ceux qui s’accaparent les ressources sont en guerre contre nous, le plus souvent via l’OMC, la Banque mondiale, le FMI, l’impérialisme, les traités de libre échange et les lois qui privatisent les biens communs, mais aussi de plus en plus par des bombardements, des occupations militaires et des mesures économiques génocidaires. Nous sommes solidaires du peuple palestinien et des autres peuples qui continuent de souffrir et de résister face à ces diktats. Des millions de migrant-e-s et de réfugié-e-s sont forcé-e-s de se déplacer à cause de la guerre, du manque d’accès aux besoins primaires. Le vent glacial de la xénophobie, du racisme, du fondamentalisme religieux de la haine de classe souffle sur de nombreux pays.
Des millions d’entre nous migrons comme une forme de résistance pour que nous ne disparaissions pas en tant que peuples, paysan-ne-s, femmes ou jeunes. Nous défions les frontières, faisons tomber les murs et nous opposons au racisme et à la xénophobie. Nous construisons un mouvement qui articule les paysan-ne-s, les travailleurs/ses ruraux/les et migrant-e-s, non comme des victimes méritant assistance, mais bien comme des détenteurs/rices de droits, y compris du droit à la libre circulation des personnes. »
A l’image des militants de la Roya, soyons toutes et tous des délinquants solidaires !!!
Fanny Métrat, Paysanne en Ardèche