Conférence des retraites agricoles: Lettre ouverte de la Confédération Paysanne à François Hollande

Suite à nos demandes faisant suite à votre promesse en tant que candidat à l’élection présidentielle de 2012, vous avez décidé de mettre en place une conférence dédiée aux retraites agricoles avant la fin de l’année, ce que nous saluons.

Vous aviez précisé en 2012 la manière dont vous comptiez traiter la question centrale du financement d’une réforme des retraites agricoles et votre écrit est sans ambiguïté sur la manière d’intervenir : « J’utiliserai particulièrement les marges de manœuvres financières dégagées par la baisse du nombre de retraités agricoles et ferai appel à la solidarité nationale, afin d’améliorer le niveau des pensions servies ».

Une rencontre récente au Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt semble pourtant dessiner des orientations sur le devenir des retraites agricoles toutes autres :

  • Le financement par la Retraite complémentaire obligatoire[1], système bien peu solidaire s’il en est,
  • L’augmentation importante de la cotisation (de 3 à 5 points) qui va impacter très fortement tous les revenus agricoles inférieurs à 17 600 € par an, soit plus de ¾ des paysans en activité qui verront leur cotisation annuelle augmenter d’au moins 352 €.

Cette proposition de mesure de relèvement de la RCO est d’autant plus injuste qu’il y a un an, la baisse de 7 points du taux Amexa (Assurance maladie des exploitants agricoles), a principalement bénéficié aux plus aisés en termes d’impact pour un coût annuel très important (0.5 milliard d’€).

 La Confédération paysanne est particulièrement attachée à la protection sociale. Les principes qui doivent la guider sont la répartition et la solidarité. Pour cette raison, nous nous opposons vivement à toute tentative de vouloir faire financer par 0.5 million d’actifs les pensions de 1.5 millions de retraités, sur la base d’un système plus proche de la capitalisation que de la répartition.

En outre, il est à présent annoncé que l’autre mesure à étudier serait l’application du système dit des « 25 meilleures années » à la profession agricole. Or, cette question a fait l’objet de plusieurs publications d’experts (Etude MSA 2006, Rapport de L’inspection générale des affaires sociales en 2012 – IGAS) concluant toutes à la stagnation des niveaux de retraites (effet nul) pour la majorité des pensionnés agricoles et à un relèvement pour une minorité aux revenus plus aisés.

La Confédération paysanne entend contribuer à améliorer les retraites agricoles par un effort qui porte sur la retraite de base car elle est plus solidaire. En termes de financements, la solidarité professionnelle doit être sollicitée (suppression des plafonds de cotisations, en maintenant le plafond des points acquis), ainsi que des financements tiers issus ou non du monde agricole, et nous avons des propositions en ce sens. Mais, c’est surtout par la solidarité nationale que nous aboutirons à atteindre l’équilibre.

Nous vous demandons la présence du Ministère des finances tant la question budgétaire, pour cette conférence, est centrale. Il serait légitime, en effet, de se retrouver, dans la même configuration interministérielle que lors des travaux conduits dans le cadre de la réforme des retraites en 2013/2014 que vous aviez mis en œuvre.

En conclusion, les seules mesures actuellement mises en avant sont irrecevables vis-à-vis des actifs et vis-à-vis des retraités qui ne peuvent qu’être solidaires au moment où le Président de la Caisse centrale de la MSA déclare que 30 % des paysans ont un revenu agricole mensuel inférieur à une demi-retraite agricole !!!

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de nos salutations respectueuses.

 Laurent Pinatel
Porte-parole de la Confédération paysanne

[1] La retraite agricole est composée de la retraite de base (addition de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle, éventuellement complétées par un correctif social : la pension majorée de référence) et de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) créée récemment (2003). Cette dernière a une assiette minimale très élevée alignée sur un SMIC de salarié à 1 820 heures par an (35 h x 52 semaines = 1 820 heures au SMIC à 9.67 €/h) soit presque 18 000 € de revenu annuel auquel on applique donc actuellement une cotisation de 3 %.