Lors de la session d’installation de la Chambre d’agriculture mardi 4 mars 2025, Aurélien Mourier a prononcé son 1er discours en tant que Président de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. Nous publions l’intégralité de son discours ci-dessous 👇
Madame la Préfète, Monsieur le secrétaire général, Madame la directrice adjointe et Mesdames et Messieurs les représentants de la Direction Départementale des Territoires, Monsieur le directeur de la chambre d’agriculture et ses collaborateurs, Mesdames et messieurs les élus,
C’est avec beaucoup d’émotion, de gratitude et d’humilité que je me trouve face à vous aujourd’hui en tant que président nouvellement élu de la chambre d’agriculture de l’Ardèche.
Émotion d’abord parce que l’agriculture ardéchoise fait partie de ma vie depuis toujours. Issu de familles de paysans ardéchois, j’ai grandi au rythme de ce métier essentiel et parfois si ingrat. Une année bonne et l’autre non.
J’exerce moi-même ce métier depuis 20 ans et j’y suis profondément, passionnément, attaché.
Gratitude parce que si le syndicat auquel j’appartiens, la confédération paysanne, est arrivée en tête de ce scrutin, c’est grâce à la confiance que nous ont accordée les agriculteurs ardéchois. Et cette confiance, elle s’est construite au fil des décennies, avec des militants engagés et des animateurs compétents qui ont beaucoup donné. Au nom de toute notre équipe, je tiens ici à les remercier chaleureusement.
Humilité parce que j’ai, et nous avons toutes et tous, conscience de la lourde tâche qui désormais nous incombe. Mais nous sommes prêts, préparés et organisés depuis plusieurs années pour remplir ce mandat.
Ce mandat, nous le voulons en accord avec le pluralisme, la parité et la transparence. Des convictions qui nous animent depuis l’origine de nos engagements syndicaux. Car nous sommes convaincus que la confrontation des points de vue, le débat, les discussions apportent beaucoup plus que l’entre-soi et le rejet de la différence.
C’est pourquoi, dès le lendemain de notre élection, nous avons décidé de proposer un bureau ouvert aux autres forces syndicales. Une place aux têtes de liste des syndicats minoritaires ainsi qu’aux représentants des salariés a été proposée.
Car oui, la démocratie a parlé : nous avons été désignés par les électeurs pour conduire la politique de la chambre d’agriculture pour les six prochaines années. Cependant, notre conception de la démocratie c’est aussi de prendre en compte tous les électeurs y compris ceux qui n’ont pas voté pour notre liste.
Cela fera bientôt un mois que les paysannes et les paysans ardéchois se sont exprimés, avec d’ailleurs une participation en hausse. Ils ont souhaité un changement dans l’exécutif de la chambre d’agriculture de l’Ardèche.
Malheureusement, les conditions d’une installation rapide et sereine de la nouvelle équipe ont été empêchées. Malgré tout, nous souhaitons aujourd’hui que l’heure soit à l’apaisement et à la plus constructive expression de la démocratie.
Je remercie les élus qui ont accepté notre proposition de rejoindre la liste pour le bureau. Liste que nous allons vous soumettre juste après. Ils seront, j’en suis convaincu, enclins à fournir un travail constructif au sein de cette nouvelle équipe.
La liste d’alliance arrivée en deuxième position a refusé notre proposition, ce choix lui appartient. Nous n’oublierons cependant pas pour autant, son électorat.
C’est comme cela que nous concevons la mission qui nous est confiée : être au plus proche des attentes de tous les agriculteurs du département, en prenant en compte la diversité.
Nous voulons également développer les nombreuses interactions entre le secteur forestier et l’agriculture. Pour cela, nous nous appuierons en particulier sur les élus du collège 6 ici présents (Centre Régional de la Propriété Forestière).
De même, nous nous rapprocherons des centres de formation et de la recherche publique pour accompagner notre projet.
Aussi, nous affirmons haut et fort et avec beaucoup de sincérité et de gravité que la chambre d’agriculture, sous cette mandature, ne sera plus une chambre au service d’un syndicat : pour cela je vous annonce d’ores et déjà des mesures fortes.
Premièrement, en tant que président, je quitte toutes mes responsabilités au sein de mon syndicat. Il en sera de même pour tous les élus de la majorité qui siègeront au bureau de la chambre d’agriculture.
Dans ce même esprit, nous mettrons fin à l’ambiguïté dans la communication ainsi qu’aux financements qui ne seraient pas destinés à la propre communication de la chambre d’agriculture.
Nous souhaitons également une information plus importante à destination des agriculteurs.
Deuxièmement, refusant les fonctionnements obscurs, nous allons au contraire organiser la transparence de nos décisions : l’ouverture du bureau est déjà le premier élément permettant cette transparence. La présence régulière d’invités en sera un gage supplémentaire.
Et puis, beaucoup le savent, nous sommes issus d’une organisation syndicale qui a un attachement tout particulier au bien vivre au travail, au respect mutuel et à la bienveillance.
Nous veillerons à ce que la chambre d’agriculture de l’Ardèche soit un lieu de travail apaisé pour toutes et tous, salariés comme élus. Pour cela, nous inscrivons comme objectif, pour les prochains mois, l’élaboration collective d’une charte éthique, pour réfléchir et définir ensemble, les règles et comportements pour les élus comme pour les salariés.
Nous donnerons la priorité au dialogue social. La présence d’élus représentants des salariés au bureau sera un atout incontestable pour avancer ensemble.
Je veillerai personnellement à ce que cette charte rappelle que le président de cette assemblée a surtout des devoirs envers les agriculteurs du département et que l’intérêt général doit toujours primer sur l’éventuelle soif personnelle de pouvoir.
Et rappeler, même si cela coule sous le sens, que cette fonction obtenue par les urnes peut également être retirée par ces mêmes urnes. Et qu’il est indispensable pour le bon fonctionnement démocratique d’accepter la défaite lorsqu’elle survient.
Ensuite, comme nous l’avons annoncé pendant la campagne électorale, nous rapprocherons la chambre d’agriculture des territoires. Et cela principalement de deux manières : par une présence plus forte des collaborateurs et des élus dans les différentes antennes territoriales mais également par l’organisation régulière de rencontres locales. C’est une demande souvent exprimée par les paysans. C’est aussi comme cela que naissent les initiatives, les projets de développement qui feront l’agriculture de demain.
Voilà pour la partie fonctionnement de la chambre d’agriculture, maintenant, venons en au projet que nous avons pour l’agriculture ardéchoise :
En toute cohérence nous allons décliner ce que nous portons publiquement depuis des années et tout particulièrement lors de cette dernière campagne électorale.
Une priorité : le revenu.
La recherche de performance de nos fermes ardéchoises doit s’orienter principalement sur la performance économique. Mais pour ce faire, nous avons besoin d’outils de pilotage technico-économiques. Nous avons besoin de centraliser, de structurer ce qui existe déjà, de travailler à combler les manques et de territorialiser les données.
Tous les paysans ardéchois doivent pouvoir avoir accès à des informations économiques précises, contextualisées et actualisées pour identifier les seuils et ratios qui leur permettront de gagner correctement leur vie, quel que soit leur territoire et quelle que soit leur production.
Nous allons donc approfondir cette question des prix, des marges, des revenus. Ainsi nous pourrons travailler à notre échelle départementale sur l’amélioration de la rentabilité.
Nous apporterons également une attention toute particulière aux plus précaires d’entre nous.
En parallèle, nous soutiendrons toute démarche de qualité et d’origine qui permet de ramener de la valeur ajoutée sur nos territoires : je pense notamment à l’agriculture biologique, aux AOP, IGP, existantes ou à venir. Et bien sûr, nous ferons tout pour peser sur les décisions d’orientations agricoles dont dépend la rentabilité de nos fermes.
Nous travaillerons avec l’ensemble des organisations professionnelles agricoles, et l’ensemble des collectivités, en particulier le département, ainsi qu’avec les acteurs économiques du territoire qui font, avec l’agriculture, la vitalité de l’Ardèche. Je pense notamment aux collecteurs et transformateurs (privés ou coopératifs), à l’artisanat, aux entreprises de l’agroalimentaire et au secteur touristique.
Aucune filière de notre agriculture ardéchoise, aucun territoire, ne sera oublié. Je ne vais pas me lancer dans l’énumération de toutes nos productions et de tous nos produits qui font la fierté et la notoriété de l’Ardèche. Non pas que l’exercice me déplairait mais il serait bien trop long tant nous avons la chance d’avoir une agriculture extrêmement diversifiée.
Ensuite, nous ferons bien évidemment la part belle à la question de la transition agro-écologique.
Là aussi, je ne vais pas pouvoir tout énumérer mais quelques grands axes : décarbonation de nos productions, préservation des terres agricoles et accès au foncier, préservation des ressources naturelles, en particulier la ressource en eau.
En rappelant que l’eau est indispensable, notamment à l’agriculture, il est donc d’autant plus nécessaire d’en assurer le partage.
On sait que la majorité des agriculteurs est favorable à la transition des fermes, mais à condition d’être accompagnés. Car bien évidemment, il n’est pas concevable de laisser porter le poids de l’adaptation au changement climatique et de la transition de nos systèmes agricoles à nous seuls paysans.
La chambre d’agriculture de l’Ardèche doit donc être innovante dans cette transition. Ce sera un atout majeur pour maintenir les activités, mais également, en étant plus en adéquation avec les attentes sociétales, un atout majeur pour favoriser la dynamique des installations sur notre département.
L’installation justement : le renouvellement des générations sera bien évidemment un objectif fort et nous mettrons tout en œuvre pour que notre expression : « des paysans nombreux pour des campagnes vivantes » ne soit pas juste un slogan.
J’ai commencé ce discours en vous parlant de mes origines paysannes et ardéchoises. Cette particularité avait uniquement sa place pour illustrer mon émotion, mais bien évidemment elle n’en a aucune pour parler d’installation et de renouvellement des générations. L’Ardèche a toujours été une terre d’accueil et nous devons continuer de profiter de la chance d’être un territoire attractif.
Il n’est, de toute évidence, pas nécessaire d’être né dans une ferme, ni d’avoir grandi en Ardèche pour devenir paysan !
Tous ces grands axes ne constituent qu’une première proposition car, comme vous l’avez compris, nous sommes convaincus de l’intérêt de la co-construction. Nous souhaitons donc que le projet stratégique de la mandature soit élaboré en concertation avec les différents élus de cette nouvelle assemblée.
Je ne peux terminer ce discours sans parler des événements de ces derniers jours. Loin de moi l’idée de vouloir faire des prospectives en géopolitique. Je n’en ai pas les compétences. Cependant, nous vivons une période instable avec des risques majeurs. Et cela tout le monde en convient.
Notre projet d’agriculture paysanne est basé entre autres sur la souveraineté alimentaire et l’autonomie des fermes. Justement ce qu’il est primordial de développer en période d’instabilité. Car oui, lorsqu’une agriculture est trop dépendante des intrants (je pense notamment aux énergies fossiles et aux engrais), elle est très vulnérable. Vulnérable face aux crises géopolitiques et aux fluctuations des marchés qui en découlent.
Et cela va bien au delà du monde agricole car il s’agit d’être en capacité de nourrir nos concitoyens. Nous devrons donc tout faire pour orienter notre agriculture vers une moindre dépendance.
Développer notre autonomie et notre souveraineté alimentaire pourrait devenir une question de survie pour notre population.
L’alimentation ne devrait jamais être une arme, cependant on sait malheureusement qu’elle l’est. Produire l’essentiel de notre alimentation localement, avec des fermes les plus autonomes possibles est donc un élément essentiel de sécurité.
Nous ne résoudrons pas cela à notre humble échelle, mais nous pouvons y contribuer en travaillant cette autonomie sur les fermes ardéchoises.
Il me reste à vous remercier toutes et tous, ici présents, pour votre attention, remercier Monsieur le directeur et les services de la chambre ainsi que Mesdames Messieurs de la DDT et les services de la préfecture pour l’organisation de cette session et vous dire Madame la Préfète tout l’enthousiasme que nous avons dans la perspective de travailler avec vous, ainsi qu’avec tous vos services.
Cette assemblée a pour mission de défendre les intérêts des agriculteurs auprès des pouvoirs publics. Que vous en soyez l’interlocutrice principale, compte tenu de l’intérêt certain que vous portez à l’agriculture ardéchoise, augure de belles perspectives !
Merci
AURELIEN MOURIER
PRESIDENT DE LA CHAMBRE D’AGRICULTURE DE L’ARDECHE

